LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Michelle Onimus



Le texte qui suit est très largement inspiré de l'ouvrage de Pierre Saulnier/Missions Africaines (SMA), "La République centrafricaine", manuel destiné aux enseignants et aux élèves de la République Centrafricaine, en vente à Bangui.


Géographie physique et humaine

La Centrafrique et ses frontières
Le Centrafrique est vraiment située au coeur de l'Afrique, en zone tropicale, entre le 2ème et le 11ème degré de latitude Nord. Les frontières se font avec le Soudan à l'Est, la RDC (République démocratique du Congo) et le Congo au Sud, le Cameroun à l'Ouest et le Tchad au Nord. Il n'a aucun débouché sur la mer. La capitale est BANGUI.







La Centrafrique. Géographie physique
Deux massifs montagneux se situent l'un à l'Ouest, l'autre à l'Est du pays, culminant entre 1200 et 1400 m. Entre ces deux massifs s'étend une série de collines, la " dorsale centrafricaine ", qui constitue la ligne de partage des eaux, vers le fleuve Oubangui au Sud, et vers le lac T chad au Nord. Deux plateaux de grès recouvrant des roches anciennes forment deux ensembles au Sud-Ouest et au Nord-Est ; c'est le lieu d' extraction du diamant. Au Nord et au Sud du pays, on trouve des régions de plaines : le haut bassin du Chari au Nord, et le bassin de l'Oubangui au Sud.













Pendant l'hiver, l'anticyclone de Lybie dirige l'harmattan vers l'Afrique centrale; c'est la saison sèche. Pendant l'été, l'anticyclone de Sainte Hélène apporte du Sud-Ouest des basses pressions chargées d'air humide ; c'est la saison des pluies. L'humidité est la plus forte au Sud, dans la zone équatoriale, forestière, avec des précipitations de 1600 mm. Au Nord, c'est la zone sub-sahélienne, avec peu de précipitations, allant de 1100 mm à 800 mm à mesure qu'on monte vers le Nord.
Entre les deux c'est la zone intertropicale, avec une saison des pluies qui dure environ six mois, et environ 1400 mm de précipitations. Les températures sont plutôt élevées, variant entre 20° et 32° à Bangui. Dans l'extrême Nord les écarts sont grands, de 3° en janvier à 44° en mars. Le réseau hydrographique est très important : le bassin du Chari au Nord, avec le Chari (1450 km), l'Aouk et l'Ouham, et le bassin de l'Oubangui au Sud, avec le fleuve Oubangui (1125 km), le Mbomou, la Lobaye et la Sangha. Ces rivières servent au transport des personnes et marchandises sauf en saison sèche. La forêt dense-humide se trouve dans le Sud du pays. On y trouve des bois précieux comme l'acajou. Mais elle est menacée par l'exploitation et par les feux de forêt. Les forêts denses-sèches forment des enclaves au milieu des savanes du Centre-Ouest et de l'Est du pays. Elles sont aussi menacées.
La savane couvre une grande partie du pays. Ce sont des étendues herbeuses, avec des strates arborescentes de densité variable selon les régions. En allant vers le Nord, la densité des arbres diminue, et la savane devient la steppe, qui est un espace presque désertique.

Depuis la fin du 19ème siècle, la population de la RCA a augmenté, passant de moins de un million d'habitants à plus de trois millions actuellement. Mais la pauvreté, la dégradation des infrastructures sociales, l'expansion du SIDA, les crises politico-militaires et les déplacements de population font actuellement diminuer le taux de croissance de la population. La population est très inégalement répartie sur le territoire. Les régions les plus peuplées sont celles de l'Ouest, et celles qui bordent l'Oubangui, jusqu'à Bangassou. Environ 40% de la population vit en ville, c'est à dire dans des agglomérations de plus de 5000 habitants. Mais beaucoup vivent du travail agricole à la périphérie de ces villes. La population est jeune : près de 50% de la population a moins de 30 ans.
La population centrafricaine est divisée en 9 principaux groupes ethniques : Le groupe Gbaya à l'Ouest, le groupe Banda au Centre-Est, le groupe Bantou dans la corne sud-ouest du pays, le groupe Oubanguien originaire des sources du Nil, le groupe Ngbandi qui comprend les Sango et les Yakoma, le groupe Nzakara-Zande à l'extrême Est, le groupe Mbum, originaire du Cameroun, le groupe Sara vers le Tchad, et le groupe du Nord. Deux autres groupes se distinguent des autres. Ce sont d'abord les Pygmées, sans doute les plus anciens habitants. Ils vivent dans la forêt équatoriale, ils sont d'abord cueilleurs-chasseurs, se déplaçant dans une aire bien déterminée selon les besoins de leur approvisionnement. Les échanges existent entre eux et les " grands " noirs, lances et manioc contre la viande de chasse et les produits de la forêt. Beaucoup de pygmées travaillent aussi la terre pour le compte des villageois. Ce sont ensuite les Peuls ou Mbororos. Ce sont des éleveurs de bovins, qui sont de religion musulmane. Beaucoup se sédentarisent en se regroupant dans des concessions clôturées. Les langues parlées sont nombreuses en RCA, mais la plupart des habitants parle la langue Sango, qui a été véhiculée par les Sangos, grands commerçants fluviaux, sur les affluents de l'Oubangui, avant même l'arrivée des colonisateurs.

La religion tient une grande place dans la vie des Centrafricains. La religion traditionnelle croit en l'existence d'un Dieu créateur, Nzapa, et en une faute commise par l'homme contre Dieu, faute qui a éloigné l'homme de son créateur. Le culte n'est pas rendu à Dieu lui-même, mais aux ancêtres décédés. Les morts ont besoin du souvenir de vivants, et les vivants ont besoin de la protection des morts. Le catholicisme s'est installé depuis 1894.
C'est Mgr Augouard, vicaire apostolique de l'Oubangui qui explora la région de Bangui, en 1893, et décida l'année suivante de fonder une mission à St Paul des Rapides, près de Bangui. En 1895, une seconde mission est fondée à Djoukou. Actuellement les catholiques sont environ 600 000. Le pays est divisé en 9 diocèses. Les protestants sont aussi nombreux que les catholiques. Les luthériens et les réformés sont peu nombreux. Les baptistes sont les plus anciens et les plus nombreux. De nombreux autres groupes d'inspiration chrétienne existent, et cela depuis les années 1920. Enfin l'islam est très présent dans le pays, et cela bien avant la pénétration française. La population musulmane occupe une place économique importante, avec l'élevage, le contrôle de la production et du commerce du diamant, ainsi que le commerce de détail et la pratique du prêt. Les musulmans sont sans doute environ 200 000 dans le pays.

L'économie centrafricaine est d'abord une économie d'autosubsistance alimentaire, avec la culture du manioc, base de la nourriture, de l'arachide, du maïs et du mil. Les cultures de rente sont... peu rentables. La culture du café s'est surtout développée depuis 1925, mais la faiblesse des tonnages et le manque de variétés ne permettent pas d'influer sur les cours mondiaux. La culture du coton, introduite en 1924, produit un fil de très bonne qualité, mais la chute des cours mondiaux empêche que cette culture soit rentable. Le tabac est aussi de bonne qualité (il est utilisé pour faire la cape des cigares), mais les surfaces cultivées ont diminué. Les cultures industrielles sont représentées par le palmier à huile, la canne à sucre, l'exploitation du bois ; citons enfin l'exploitation du diamant, de l'or, et depuis peu de l'uranium dans la région de Babouma. La région-frontière du Tchad a été classée " zone d'intérêt pétrolifère ", mais aucune exploitation n'est encore faite.
La pêche occupe 20% de la population. Il existe aussi environ 3000 bassins de pisciculture. Les zones de chasse au gros gibier se situent dans les régions du Nord-Est et de l'Est. On compte trois parcs nationaux et dix réserves de faune. Le braconnage est important : les rhinocéros ont presque entièrement disparu ; les éléphants sont devenus une espèce protégée depuis 1980. La chasse " banale " se pratique dans le reste du pays, mais de façon parfois anarchique. La plupart des industries qui existaient en RCA, textiles, chaussures (BATA), montage d'automobiles et de mobylettes, ont fait faillite. La fabrication des bières et des sodas continue à Bangui sous les étiquettes MOCAF et CASTEL. Il existe encore des usines de produits chimiques, un fabrique de tôles et d'articles ménagers en aluminium, ainsi que plusieurs entreprises de construction.
Le petit nombre des produits proposés à l'exportation a pour conséquence la faiblesse de l'économie centrafricaine. Le budget de l'Etat est déficitaire. Des financements extérieurs, dons ou emprunts, sont indispensables. Les transports des marchandises lourdes se fait par la route et par bateau en période des hautes eaux. Le réseau routier est réhabilité depuis 1980, au moins par tronçons. L'idée de la création d'un chemin de fer pour rejoindre l'océan refait surface régulièrement. Les liaisons téléphoniques se font par radio ou satellite. La téléphonie mobile se développe très rapidement, et le réseau Internet fonctionne dans plusieurs villes du pays.

Les principales maladies sont :le paludisme, les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires aiguës, les parasitoses intestinales, les méningites. Il faut ajouter le retour de la tuberculose et le SIDA. De nombreuses maladies ont été éradiquées : la trypanosomiase ou maladie du sommeil, la lèpre, la variole, et depuis quelques années la poliomyélite.
Il existe à Bangui une structure universitaire d'enseignement et de formation, la faculté des sciences de la santé (FACSS), qui forme les médecins et les infirmiers. Mais le nombre des soignants en exercice reste faible, car les nouveaux diplômés ne peuvent être intégrés, faute de postes budgétaires. Le système des soins ne fonctionne pas très bien, et la population doit participer aux frais de santé.

En principe la scolarisation des enfants est gratuite et obligatoire, mais le taux de scolarisation est inférieur à 50%. Les enseignants sont souvent en grève du fait de retard des versements de salaires ; les classes sont surchargées et les écoles souvent vétustes. L'analphabétisme des adultes, surtout des femmes, (50% à 60%), empêche la participation de la population aux actions communautaires. Les manifestations culturelles sont peu nombreuses à Bangui.
Il existe cependant de nombreux groupes folkloriques de danse, et plusieurs quotidiens paraissent depuis quelques années à Bangui. Des auteurs centrafricains écrivent en langue française. Citons Pierre Sammy-Mackfoy et son roman, L'Odyssée de Mongou, et Etienne Goyemide avec Le silence de la forêt, Le dernier survivant de la caravane, et Les mangeurs de poulets crevés. Le sport tient une grande place, en particulier le basket-ball.

L'indicateur de développement humain (IDH) est calculé depuis 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Il retient trois critères : l'espérance de vie à la naissance, le taux d'analphabétisme adulte et le taux brut de scolarisation, et enfin le PIB, Produit Intérieur Brut par habitant. L'IDH de la RCA est de 0,363, ce qui place le pays au 168ème rang mondial, sur 175 pays analysés.

L'histoire centrafricaine

La RCA a été habitée depuis environ un million d'années, comme en témoignent des outils en pierre retrouvés dans le pays. A partir de 3000 av J.C. environ, la culture apparaît, de même que la sédentarisation et la domestication des animaux. De cette époque datent les gravures rupestres, les abris dans les grottes et les mégalithes que l'on trouve dans le Nord-Ouest du pays. La métallurgie se développe à partir des 4ème et 5ème siècles après Jésus-Christ.
Plusieurs vagues de population se sont succédées au cours des siècles, et au XVIIe siècle la population aurait atteint 5 à 6 millions d'habitants. Cependant au début du XXe siècle, elle tombe à moins d'un million, en grande partie à cause de l'esclavage. La traite des esclaves atteint son paroxysme au XVIIIe et au XIXe siècles ; à côté de la traite atlantique, la plus connue, dont sont responsables les pays occidentaux, il a existé une traite par le Nord, également très meurtrière, dont sont responsables les pays musulmans, et également une traite par le sud vers Zanzibar, et enfin une traite par le nord-ouest. La traite s'est éteinte au début du XXe siècle. Elle explique en grande partie la désertification actuelle de l'Est du pays.

La création de l'Oubangui-Chari
Les cartes de l'Oubangui-Chari sont longtemps restées peu exactes

La colonie française de l'Oubangui-Chari (actuelle République Centrafricaine) a été créée en 1884, après de nombreuses expéditions françaises, les unes qui ont remonté l'Oubangui, d'autres qui ont cherché à rejoindre le Tchad au Nord et le Nil à l'Est.







Le temps de la colonisation

La période de la colonisation s'étend de 1894 à 1960 ; c'est une période peu glorieuse, marquée par l'exploitation du pays par les sociétés concessionnaires(
1) , par des exactions multiples, par d'incessantes réquisitions pour le portage, pour la construction de pistes (la route de Sibut à Kaga-Bandoro a été construite en 1920), pour la construction du chemin de fer Congo-Océan... Tout ceci déstructure la vie sociale et favorise des épidémies. Les investissements pour le développement du pays sont peu nombreux et le bilan économique de cette période est mauvais, voire catastrophique.
Une insurrection prend naissance en 1928 vers Bouar, et s'étend jusque vers le Congo, le Cameroun et le Tchad. C'est une guerre de libération menée par un certain Karnou qui prêche la révolte. Il est tué assez rapidement, mais l'insurrection continue en différents lieux du pays et ne sera maîtrisée que fin 1930.
Pendant la seconde guerre mondiale, l'Oubangui-Chari se rallie dès 1940 à la France Libre et de nombreux Centrafricains participeront de ce fait au conflit, en Palestine, en Syrie, en Lybie (Bir-Hakeim), à Madagascar et enfin en France. Le nom du lieutenant Koudoukou fut donné à une avenue de Bangui.

(1): En 1899 la France adopte le système concessionnaire pour l'exploitation et le développement de l'Oubangui-Chari. Des terres soi-disant vacantes sont attribuées à des sociétés ou compagnies, qui ont pour 30 ans tout droit de jouissance et d'exploitation agricole, forestière et industrielle. En contrepartie le concessionnaire aide au développement des postes de douane, lignes télégraphiques, bateaux, plantations d'arbres à caoutchouc. Les abus furent nombreux de la part des concessionnaires. Ce système disparut en 1929


La République Centrafricaine

Barthélémy BOGANDA, fondateur de la nation centrafricaine
Devenu territoire d'Outre-mer en 1946, l'Oubangui-Chari obtient son autonomie interne en 1957. Puis la République Centrafricaine est proclamée en 1958, sous l'impulsion de Barthélémy BOGANDA, père fondateur de la nation centrafricaine.

Né en 1910, il devient prêtre catholique en 1938. Elu député à l'Assemblée Nationale française en 1946, réélu en 1951 et en 1956, il crée le Mouvement de l'Evolution Sociale de l'Afrique Noire (MESAN). Il demande la fin du travail forcé, du travail des femmes et des enfants, des châtiments corporels, des exactions... Il condamne également certaines traditions africaines comme la polygamie ou les mariages forcés.
Il lance des coopératives agricoles. Son rêve d'Etats Unis d'Afrique centrale n'aboutit pas, et il proclame la République Centrafricaine le 1er Décembre 1958. Barthélémy Boganda meurt dans un accident d'avion le 29 mars 1959.C'est lui qui a défini la devise de la RCA : Unité, Dignité, Travail. On lui attribue aussi la célèbre formule : " Zô kwe zô ", soit " Tout homme est un homme ".

Après la mort de Boganda, c'est David DACKO qui sera élu chef du gouvernement, puis chef de l'Etat en 1960. David Dacko obtient les pleins pouvoirs, engage une forte politique d'éducation, crée pour le coton une société centrafricaine, réorganise le secteur diamantifère, commence la construction du nouvel aéroport...
Le 1er janvier 1966, à la faveur d'un coup d'état, le colonel Jean-Bedel BOKASSA prend le pouvoir. Il devient président à vie en 1972, puis se fait sacrer empereur en 1976. Il affrontera plusieurs coups d'Etat, fera disparaître les opposants, sera accusé de massacres de jeunes en 1979.
Le 20 Septembre 1979 un coup d'état soutenu par la France met fin au règne de Bokassa. David Dacko rétablit la République.
En 1981 André KOLINGBA prend le pouvoir. Son mandat est marqué par beaucoup de tensions et de grèves. En 1993 les élections font d'Ange-Félix PATASSE le nouveau président. Mais des mutineries militaires secouent le pays en avril, mai et septembre 1996.
Le 15 mars 2003, François Bozizé, ancien chef d'état-major de l'armée, entré en rébellion ouverte avec l'aide des Tchadiens, renverse Patassé. Des élections ont lieu fin 2004, à la suite desquelles François Bozizé est élu Président.

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